L’impossibilité du paysage
Text by Hicham Gardaf

Comment saisir un paysage aussi vaste et varié que celui de la Nouvelle-Aquitaine en un temps très limité ? Quel doit être le point de mire de mon objectif lorsque je traverse la région de La Rochelle à Biarritz ? Qu'est-ce que je m'attends à trouver et à découvrir au cours de mon voyage d'est en ouest ? Quelle sera mon approche pour capturer l'essence du lieu à travers des images photographiques et par où commencer ? Telles sont les questions que je me suis posées lorsque j'ai entrepris un voyage photographique dans la région en février 2023. 

Dès le départ, il est apparu clairement qu'il était impossible de résumer cette région diversifiée en un seul voyage. Mon objectif était plutôt de documenter ma rencontre avec le terrain. Et je savais que le choix des paysages à photographier restait ouvert, mais très probablement dicté et influencé par la route - les itinéraires que je devrais suivre en voiture. Les questions sur le paysage s'entremêlaient avec ce que j'observais ou, en d'autres termes, ce que je choisissais de percevoir. 

Il y a peut-être quelque chose de l'ordre du palimpseste lorsque l'on pense à la vision et à l'expérience du paysage. Peut-être que les paysages que j'évoque dans mon esprit sont ces innombrables voyages que j'ai effectués en voiture ou en bus pendant mon enfance, ces moments où l'on s'assoit, où l'on observe et où l'on devient intimement familier avec la vue. Par exemple, dans mon enfance, la vue d'un château d'eau signalait l'approche de la maison dans notre petit village d’El Ouamra au Maroc. Mon affinité pour les châteaux d'eau de Nouvelle-Aquitaine est peut-être un hommage inconscient à ce lieu du passé, fortement ancré dans ma mémoire. La stratégie que j'ai adoptée pour photographier la Nouvelle-Aquitaine au cours de ce voyage est étroitement liée au cadre de la psychogéographie. Mon objectif était de capturer une humeur ou des émotions qui sont l'effet de ma situation géographique tout au long du voyage. Cela englobe la fascination pour les signes, la lumière, les couleurs, ainsi que mon sentiment d'aliénation ou de familiarité avec ce qui est vu. 

Ce qui est apparu clairement à travers les photographies, c'est le sentiment de difficulté à voir, une friction de la vision. Ce qui était là, devant l'appareil photo, est devenu tangible mais insaisissable, vague, comme le sentiment qui a fortement imprégné mon expérience des lieux de la Nouvelle-Aquitaine. De nombreuses photographies présentent une forte obstruction visuelle qui masque la vue, qu'il s'agisse d'un mur, d'un barrage, d'un camion brûlé ou d'un panneau d'affichage. Ces objets ou signes peuvent être interprétés comme des marqueurs d'une frontière imaginaire (ou d'obstacles), suggérant une barrière métaphorique. Ils font partie de l'expérience de la route, de sa familiarité et de sa méconnaissance.